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Alliance des États du Sahel (AES) ou Alliance du Sahel et du Sahara (ASS) : quel avenir pour le Niger

Par Oumar Moctar Alansary .. homme politique et écrivain nigérien

En tant que citoyen nigérien attaché au destin de son pays, je me trouve confronté à une question cruciale : quelle alliance régionale servira au mieux les intérêts du Niger ? L’Alliance des États du Sahel (AES), réunissant le Niger, le Mali et le Burkina Faso, ou l’Alliance du Sahel et du Sahara (ASS), proposée avec l’Algérie, le Niger et le Nigeria ? L’idée de l’ASS, avancée comme alternative, a suscité des réactions variées, souvent marquées par l’émotion ou influencées par les dynamiques politiques actuelles. Mon ambition ici est d’offrir une analyse objective et transparente, centrée sur l’intérêt supérieur du Niger, en tenant compte de sa position géographique unique, de sa riche diversité démographique, et des enjeux économiques, sécuritaires, sociaux, environnementaux et technologiques.

Le Niger : cœur du Sahel et pont de l’Afrique

Situé au carrefour du Sahel, le Niger partage ses frontières avec sept pays : l’Algérie et la Libye au nord, le Tchad à l’est, le Nigeria et le Bénin au sud, le Mali et le Burkina Faso à l’ouest. Cette position stratégique en fait un trait d’union entre l’Afrique du Nord, de l’Ouest et subsaharienne, mais l’expose également à des défis sécuritaires et économiques en raison de ses longues frontières et de son relief désertique. Sur le plan démographique, le Niger est une mosaïque culturelle, abritant les Haoussa, les Touaregs, les Zarma-Songhaï, les Peuls, les Toubous, les Arabes et bien d’autres, avec une population de plus de 24 millions d’habitants en rapide croissance. Pays enclavé, le Niger a besoin d’alliances qui renforcent sa stabilité économique et sécuritaire tout en respectant son identité plurielle.

L’AES : cohésion régionale et défis communs

L’AES réunit le Niger, le Mali et le Burkina Faso dans un cadre existant, reflétant les réalités politiques actuelles où ces nations cherchent à affirmer leur souveraineté face aux ingérences extérieures.

Géographiquement : La proximité des trois pays facilite la coordination militaire et économique. Les frontières communes (821 km avec le Mali, 628 km avec le Burkina Faso) soutiennent le développement d’infrastructures comme les routes, tandis que le fleuve Niger, traversant le Mali et le Niger, favorise la coopération agricole. Cependant, leur caractère enclavé limite l’accès aux marchés mondiaux, obligeant le Niger à dépendre de ports comme ceux du Bénin ou du Togo. Les zones frontalières souffrent de conflits armés et de contrebande, nécessitant des investissements sécuritaires coûteux.

Démographiquement : Les similitudes ethniques (Peuls, Touaregs) et la langue française comme trait d’union renforcent la cohésion sociale. Cependant, les tensions ethniques, comme les rébellions touarègues au Mali, pourraient déstabiliser le Niger si elles ne sont pas gérées avec prudence. Le taux élevé d’analphabétisme (70 % au Niger) et la faiblesse du système éducatif freinent la construction d’une société unie.

Économiquement et politiquement : L’AES ambitionne de créer une banque de développement et une union monétaire, mais elle est limitée par la fragilité économique des trois pays, marqués par la pauvreté et un faible indice de développement humain. Politiquement, elle renforce la souveraineté, mais reste vulnérable en raison des transitions militaires.

Sécuritairement : L’AES lutte contre le terrorisme commun (comme l’État islamique au Sahel) grâce à une force conjointe, mais souffre d’un manque de ressources et d’une dépendance à l’aide extérieure.

Socialement et environnementalement : Les affinités culturelles soutiennent des initiatives pour la jeunesse, et les défis environnementaux communs (désertification) encouragent des projets comme le Mur Vert. Cependant, les conflits entravent leur mise en œuvre.

Technologiquement : L’AES est freinée par une infrastructure limitée, mais permet une coopération modeste, comme des réseaux de communication transfrontaliers.

L’ASS : ambition économique et pont régional

L’ASS proposée entre l’Algérie, le Niger et le Nigeria est un projet ambitieux visant à connecter le Niger à des économies robustes et à des débouchés maritimes.

Géographiquement : L’ASS offre au Niger un accès aux ports algériens (Méditerranée) et nigérians (Atlantique), résolvant son enclavement. Les frontières avec l’Algérie (956 km) et le Nigeria (1 497 km) favorisent le commerce, et des projets comme le gazoduc transsaharien positionnent le Niger comme hub énergétique. Cependant, les grandes distances entre capitales (Niamey-Alger, 2 500 km ; Niamey-Abuja, 900 km), la diversité des terrains (désert au nord, zones humides au sud) et les frontières algériennes vulnérables à la contrebande posent des défis. Les frontières avec le Nigeria, bien que dynamiques commercialement, sont affectées par la contrebande et les activités de Boko Haram, nécessitant une surveillance coûteuse.

Démographiquement : Les liens haoussa avec le nord du Nigeria stimulent le commerce et les échanges culturels, et l’Algérie offre un modèle de gestion de la diversité. Toutefois, l’écart culturel avec l’Algérie (arabo-amazighe) et la prédominance démographique du Nigeria (200 millions d’habitants) pourraient susciter des craintes de marginalisation ou d’exode des jeunes.

Économiquement et politiquement : L’Algérie et le Nigeria, grandes puissances pétrolières, offrent des investissements dans l’énergie et des marchés, renforçant l’exportation de l’uranium nigérien. Politiquement, l’Algérie garantit une certaine stabilité, mais les relations avec le Nigeria pourraient être compliquées par les tensions au sein de la CEDEAO.

Sécuritairement : L’Algérie soutient la lutte antiterroriste dans le désert, et le Nigeria coopère contre Boko Haram, mais l’ASS pourrait détourner l’attention du Niger des menaces sahéliennes.

Socialement et environnementalement : Le Nigeria ouvre des opportunités pour la jeunesse via son économie créative, et l’Algérie promeut les énergies renouvelables. Cependant, les projets énergétiques pourraient nuire aux terres pastorales, et les crises environnementales nigérianes limiter leur soutien.

Technologiquement : Le Nigeria offre un écosystème numérique émergent, et l’Algérie des technologies énergétiques, mais l’écart technologique risque de cantonner le Niger à un rôle de consommateur.

Quel choix pour le Niger ?

Après une analyse approfondie, l’ASS semble offrir au Niger des perspectives plus prometteuses à long terme. Géographiquement, elle le transforme en hub commercial et énergétique grâce aux ports algériens et nigérians, malgré les défis des terrains et des frontières. Démographiquement, elle renforce les liens haoussa et tire parti de la stabilité algérienne, à condition de surmonter les écarts culturels. Économiquement, elle ouvre des marchés mondiaux et attire des investissements, contrairement à l’AES, limitée par la pauvreté. Sécuritairement, elle offre un soutien plus robuste, mais exige une coordination fine. Socialement et environnementalement, elle élargit les horizons pour la jeunesse et promeut des technologies durables, malgré des risques écologiques. Technologiquement, elle promet un bond numérique, mais nécessite un renforcement éducatif.

Cela dit, l’AES reste indispensable. Ses affinités ethniques et ses défis communs en font un cadre vital pour contrer le terrorisme et protéger nos communautés transfrontalières, comme les Touaregs et les Peuls.

Une vision équilibrée pour l’avenir

Je plaide pour une approche hybride : intégrer l’ASS pour impulser une dynamique économique et géopolitique, tout en maintenant une coopération étroite avec l’AES pour sécuriser nos frontières et renforcer la cohésion sociale. Le Niger doit poser des conditions claires pour éviter la domination de ses partenaires et investir dans l’éducation et les infrastructures pour une répartition équitable des bénéfices. Le succès de toute alliance repose sur notre stabilité interne, une gouvernance transparente et l’inclusion de nos communautés diverses.

Le Niger mérite un avenir à la hauteur de son rôle de pont africain et de terre de diversité. Choisissons avec sagesse, loin des passions, et plaçons l’intérêt de notre peuple au premier plan.

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